Promenade entre les pages
Le texte qui suit retrace les lectures qui ont accompagné la création du drame Mickey Mouse project.
J'ai commencé à réfléchir à la conception de ce spectacle il y a 3 ans. En 2015.
La vague d’attentats qui avait meurtri Paris m'avait replongé dans ma propre histoire. Le nom de David Headley était ressorti dans un article d'Emmanuel Derville. À la vue du nom de Headley, je décidai de raconter l'histoire de Nadia et de Patrick.
Au début j'étais perdu. Comment rendre compte de toute une expérience à travers l'écriture ? Je suis comédien moi !!
Alors j'ai lu ça.
Mais cela ne m'a pas beaucoup aidé. Je cherchais quelque chose de plus pratique, qui pouvait m'aider concrètement dans mon projet d'écriture.
Alors j'ai trouvé celui-ci.
Il me fut d'une grande aide. Il définit de façon remarquable les éléments constituants du théâtre contemporain. Après l'avoir lu, j'ai jeté mes idées sur la feuille blanche. N'étant plus effrayé par la fragmentation, la confusion identitaire des personnages, l'absurde, le politique...
Et puis petit à petit les idées se sont rassemblées, des personnages sont nés, des parties sont apparues. Deux surtout. Celle de l’hommage et celle de l’enquête. Cette division a été renforcée par la lecture de monsieur Bauman.
Je m'appuyais sur le concept de vie liquide consommée et consommante développée par monsieur Bauman pour établir ma structure narrative. D'un coté : les valeurs de franchise et d'engagement incarnées dans la relation d'amitié entre Nadia et Patrick ; de l'autre : l'opportunisme et l'avidité exprimés dans les personnages de Mickey, Ganesh et Daoud Gilani.
Cependant il n'était pas aussi simple de raconter cette histoire : les causes de l'attentat n'étaient pas claires, la justice indienne était aussi totalement dans la panade, mes soupçons d'une implication des USA à travers un agent infiltré, ce même suspect arrêté quelques mois avant l'attentat ne facilitaient pas une lecture claire des faits. Tout cela semblait opaque.
Et puis ne risquais-je pas de tomber dans les travers du complotisme en m’appuyant sur des spéculations personnelles ?
Chez un ami, je tombai, par hasard (?), sur ce livre :
Je compris qu'en tant que citoyen je serai toujours dans une position délicate pour relever les énigmes dont les protagonistes sont des États.
Je continuais malgré tout. Je continuais à construire des hypothèses, à élaborer des possibles. Je me suis sensibilisé à la complexité de la réalité.
Je m'instruisais au sujet des techniques de manipulation de l'opinion publique. Cela, pensais-je, me fournirait un bon outillage pour analyser les articles de journaux que je lisais au sujet de l'attentat. Mes questionnements trouvèrent des réponses dans les livres de Noam Chomsky et Pierre-Frédéric Ténière-Buchot.
Les livres de Jaffrelot et de Brzezinski me fournirent de nombreux renseignements sur l'histoire politique du Pakistan ou sur les orientations géopolitiques des USA.
Je pus contextualiser la lecture des ouvrages sur David Headley.
Cela enrichissait les points de vue sur les faits.
Riche de toutes ces lectures, je rédigeai une première forme de la pièce.
Après lecture, ma pièce était devenue une thèse ! Il fallait donc rectifier le tir pour que le texte puisse être un outil théâtral et non pas un appui de conférence.
De nouveau j'étais perdu. Mon projet d'écriture fut comparé au travail de Nicolas Lambert. Allais-je finalement trouver une piste théâtrale ?
En refermant son livre, je n'étais pas convaincu par la comparaison bien que nous partageons la même idée d'un théâtre qui concerne le politique. Je me sentais plus proche d'une écriture à la frontière du réel et de la fiction. Je voulais échapper à l'aspect exclusivement documentaire. Trouver un style ?!
Je ne sais pas comment la revue feuilleton m'est tombée entre les mains. Ses pages étaient remplies d'informations précieuses. Je découvrai la notion d'écriture du réel. Je pressentai que le territoire de mon écriture se trouvait là. Je dévorai David Shields, Truman Capote … C'était parti !
Une rencontre extraordinaire fut la lecture de From Hell, monument de la littérature et de la BD.
Chapeau ! Tout y est.
Indépassable, je pense.